Commentaire
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"J'ai voulu étudier ici la mort d'une manière relativement vaste. La discipline
essentielle pour examiner le phénomène de la mort dans une civilisation
disparue est l'archéologie […] J'entends me limiter aux documents
littéraires […]. Ils ne suffisent pas pour reconstituer intégralement
les croyances relatives à la mort, à l'âme et aux funérailles, mais
leur connaissance peut permettre de compléter et d'éclairer des
connaissances acquises d'une autre manière. Je n'aurai recours aux
travaux des archéologues que dans une faible mesure […].
Pour la grande
majorité des historiens des religions, la religion altaïque est celle pratiquée
de nos jours (XIXe et XXe siècles) par les populations turques, mongoles et toungouses
qui vivent en Asie centrale. […]. Jusqu'à présent, il n'y a eu que très peu d'études
considérant des périodes antérieures. […] C'est donc vers l'antiquité et le moyen
âge que j'ai tourné mon attention. J'ai cherché à remonter dans le passé aussi
loin que possible, prenant la Haute Asie et les steppes dès que les premiers textes
nous en parlent et cherchant à faire la soudure avec l'archéologie pré-historique.
C'est pourquoi, avant de considérer les Hiong-nou (Huns),j'ai prêté attention
aux Scythes, populations non-altaiques, mais dont la civilisation ne manque pas
de rapports avec celle de leurs successeurs au même lieu […]. Tous les peuples
que l'on verra apparaître sous des noms divers appartiendront tous soit à la grande
famille turque, soit à la grande famille mongole, plus rarement à celle des Toungouses
qui leur est proche. Sauf rares exceptions […], je m'arrêterai au XVIIIe siècle.
[…] à partir du XVIIe, qui a vu la conversion de la plupart des peuples mongols
au lamaisme, les grandes religions n'ont cessé d'exercer une pression plus forte
sur les "païens" de l'Asie centrale. Ainsi, au XVIIIe, les Kazakhs se sont convertis
à l'Islam, la Sibérie toute entière a subi la propagande de l'Église orthodoxe.
Les peuples restés "chamanistes",
Tatars de l'Altaï, Yakoutes de l'extrême nord-est, etc... se sont pourtant christianisés.
[…]. Avec toutes ces limites, le champ de mon étude reste immense, historiquement
- deux millénaires - et géographiquement […] - de l'Océan Pacifique à la Méditerranée,
ou, […], des confins chinois à l'est, aux confins indo-iraniens au sud, russes
à l'ouest -. A cette ampleur nous devons sans doute, du moins en partie, les divergences
et les contradictions que je ne veux chercher ni à résoudre, ni à dissimuler.
[…] Au point de vue linguistique, les peuples altaïques se divisent en trois
groupes […] : les Turcs, les Mongols et les Toungouses. […]. Au point de vue social,
nous aurons à tenir compte d'une autre classification : les chasseurs forestiers
que l'on peut apparenter aux peuples "primitifs", […] les grands pasteurs nomades
des steppes […], les sédentaires se livrant à l'agriculture dans les bassins des
fleuves et des oasis […]" |